CHAPITRE XXII
Un essaim de Miy’tils grignotait les boucliers avant et un croiseur Nova mâchouillait ceux arrière. Leia donnait des coups secs avec le manche, comptant sur la Force et sur la chance pour que le Faucon franchisse le feu ennemi sans dommage. Comment Han avait-il pu faire ça pendant quarante ans sans les faire atomiser – ou attraper un ulcère ? Cela dépassait son entendement ! Elle espérait être une assez bonne pilote pour les garder en vie en attendant que la Flotte de l’Alliance arrive... et n’avoir pas eu tort en annonçant sa venue.
Des traînées d’énergie dorée en dispersion étaient maintenant visibles quelques mètres devant, signe que les boucliers du cargo saturaient. Leia ignora le phénomène le temps de jeter un coup d’œil au siège du copilote, occupé par Han. Il avait démonté le tableau de bord et C-3PO se tenait debout à côté de lui, essayant de tenir le panneau en l’air pendant qu’il travaillait.
— Comment se passe la réparation ?
— Même moi je ne peux pas rassembler deux choses qui bougent sans cesse, se plaignit Han. Cesse de gigoter, 3PO !
— Ce n’est pas ma faute. Ce que vous me demandez est impossible pendant que la Princesse Leia essaie d’échapper aux tirs. Les compensateurs d’inertie du Faucon sont inadéquats pour ce genre de manœuvre.
Le vaisseau fit un bond en avant quand un coup de turbolaser frappa ses boucliers arrière, puis une alarme retentit, annonçant qu’il était urgent de redistribuer l’énergie parmi les boucliers.
— J’essaie ! marmonna Han. J’essaie.
Leia dut contourner vivement un vol de missiles à concussion. Le Faucon trembla quand les Noghri, qui étaient dans les tourelles, ripostèrent. Le Miy’til responsable de l’attaque explosa.
C-3PO glapit soudain.
— C’est ma main, capitaine Solo !
— Cesse de geindre ! ordonna Han. Je n’ai rien traversé.
— J’aurai quand même besoin d’une nouvelle plaque métacarpienne, protesta le droïde. Peut-être n’aurions-nous pas à esquiver si follement si la Princesse Leia n’allait pas vers l’ennemi.
— Impossible, 3PO, répondit-elle. (Pour le moment, elle s’éloignait de la flotte des usurpateurs selon un angle droit, faisant de son mieux pour garder le Faucon en direction du croissant jaune de la troisième lune de Hapes, Megos.) Nous serions pris dans les tirs croisés.
— Des tirs croisés ? demanda-t-il. Entre qui ? Je ne vois aucune flotte amie quitter l’hyperespace derrière nous.
— Elle arrive, l’assura Leia.
— Sûr, quand ils veulent, ajouta Han.
Elle ne pouvait pas le blâmer d’être sceptique. Les vaisseaux de l’Alliance auraient déjà dû être là, et si ce qu’elle avait effleuré dans la Force plus tôt suggérait leur existence, ça n’en était pas une preuve. Mais rien d’autre n’avait de sens. Elle avait senti la présence de Jaina et Zekk quand le Faucon avait quitté les Kiris, ce qui ne pouvait signifier qu’une chose : l’Alliance Galactique attendait une opportunité d’attaquer la flotte secrète de Corellia.
Alors où étaient-ils ?
Un tir de turbolaser éclata à bâbord, repoussant le Faucon et envoyant C-3PO percuter le siège de Leia. Il rebondit dessus et s’étala sur le pont, laissant plusieurs fils lancer des étincelles dans l’emplacement maintenant vide d’un panneau.
— Oh Ciel ! dit le droïde, dans le dos de Leia. Il semble que j’ai arraché les commandes des boucliers. Maintenant il va falloir deux fois plus de temps au capitaine Solo pour tout remettre en place.
— Oublie ça, 3PO. (Le stylo à souder crachota quand Han le désactiva.) Nous n’avions aucune chance.
Sa résignation inquiéta Leia bien davantage que des cris ou des jurons. Il semblait presque qu’il ne croyait pas qu’il s’en sortirait – comme s’il pensait qu’elle n’était pas à la hauteur pour les sauver.
— Navré de n’avoir pas compris ce que tu disais vraiment au sujet du message, dit-il. Ces impacts de coups de blaster vont nous coûter cher.
— Non, Han, je suis désolée, répondit Leia. (L’écran ne montrait toujours aucun signe d’une flotte amie, et elle se demandait si elle n’avait pas eu tort de forcer Tenel Ka à tenir bon.) Mais je n’abandonne pas ! Vois-tu une quelconque raison pour que je ne pousse pas les moteurs à fond ?
— Tu veux dire, à part la fuite de liquide de refroidissement et le volet de direction numéro quatre qui coince ?
— Oui. (Leia faillit lâcher les manettes – elle n’avait pas remarqué ce dernier.) Oui, à part ces deux petits problèmes.
— Eh bien, non. (Han semblait avoir davantage d’espoir maintenant, comme si tenter un pari risqué dont l’enjeu était leurs vies était tout ce qu’il fallait pour le rendre heureux.) Vas-y, chérie !
Leia tourna la proue du Faucon droit vers l’intérieur sombre du croissant de lune, puis poussa les moteurs jusqu’au seuil de surmenage, et au-delà, jusqu’à ce qu’elle soit à fond. Elle se sentit s’enfoncer dans son siège quand l’accélération sollicita des compensateurs d’inertie complètement dépassés, et ils foncèrent dans la formation de Miy’tils qui les harassait.
Les chasseurs tirèrent presque à bout portant, et l’espace explosa dans un mur de boules de feu. Les Noghri ripostèrent, abattant quatre d’entre eux en deux secondes. Puis le cargo sortit de l’essaim en colère, sans plus rien devant que les cratères de Megos, qui se rapprochaient rapidement.
Les Miy’tils lancèrent une volée désespérée de missiles à concussion et virèrent pour leur donner la chasse – se plaçant entre le Faucon et le croiseur Nova, comme Leia l’avait espéré. Han largua quelques leurres, et les Noghri continuèrent de faire feu. Aussitôt, les bombes commencèrent à disparaître de leur radar.
Craignant de toucher ses propres chasseurs, le Nova fit taire ses turbolasers, et ils bénéficièrent d’un rare moment de calme tandis que les Miy’tils revenaient à portée de feu. Leia continuait droit devant, ajoutant l’attraction gravitationnelle à l’accélération du vaisseau, et la distance entre le Faucon et Megos commença à se réduire plus vite que celle entre le cargo et ses poursuivants.
— Tu veux tenter le vieux coup du lance-pierres à la Solo ? demanda Han.
— Du moins en partie, répondit Leia. Je me suis dit que c’était le bon moment pour apprendre.
— Bien sûr, pourquoi pas ? Tu sais que c’est une manœuvre difficile à pleine puissance, hein ?
Elle acquiesça.
— Je m’en doutais.
— Et si ce volet directionnel se coince au mauvais moment, le cratère que nous ferons dans cette lune sera de trois kilomètres de profondeur.
— Je n’ai pas fait le calcul, admit Leia.
— Le capitaine Solo non plus, intervint C-3PO. D’après notre accélération et notre masse, il sera plus proche des cinq mille mètres – à condition que nos nacelles ne surchauffent pas et ne nous vaporisent pas d’abord, bien sûr.
Leia digérait cette charmante pensée quand un frisson glacé lui parcourut la colonne vertébrale. Elle jeta un coup d’œil à l’écran tactique et vit que les Miy’tils arrivaient à bâbord, essayant d’ouvrir une voie de tir au Nova. Elle poussa le manche dans cette direction, essayant de garder les chasseurs entre eux et le croiseur en faisant un virage vers le centre de la lune – du mauvais côté pour la manœuvre qu’elle voulait tenter.
— Euh, trésor ? dit Han d’une voix plus aiguë que d’ordinaire. C’est... (Un nuage incandescent apparut à tribord, engouffrant la position qu’ils venaient d’abandonner.) Joli ! J’aurais probablement fait la même chose.
— Si tu le dis, chéri.
Elle coula un autre regard au moniteur et vit que le croiseur lui coupait la route à coups de turbolasers, et les Miy’tils leur collaient toujours au train. Maudissant la compétence de la commandante ennemie, elle ramena le manche vers elle. Bien sûr, le volet numéro quatre ne répondit pas et fit osciller dangereusement le cargo.
Leia voulut ralentir.
— Trop tard ! avertit Han. Nous ne pouvons pas les laisser nous rattraper. Il va falloir faire un lance-pierres partiel à l’envers.
— Un lance-pierres partiel à l’envers ? (La face éclairée de la lune disparut et il ne resta que l’autre, totalement obscure.) Jamais entendu parler.
— Normal, c’est nouveau.
— Nouveau ? (Leia eut un mauvais pressentiment.) Han, ça coince encore. Tu ne sens pas les vibrations ?
— Garde le nez en l’air. Tu te débrouilles très bien.
Ce n’était malheureusement pas une garantie de survie, Leia le savait, mais entendre Han le dire lui fit du bien. Elle continua à tenir le manche en arrière, tellement secouée par les vibrations qu’elle n’arrivait pas à lire les jauges de température – ce qui était probablement aussi bien. Entre la fuite de liquide de refroidissement et leur folle accélération, elles devaient être critiques.
Trop gros et difficile à manier, le Nova dut abandonner et pivoter dans l’autre sens. Mais les Miy’tils continuèrent la chasse, se rapprochant inexorablement. Bientôt, ils furent assez près pour pilonner leurs boucliers arrière. Le Faucon tremblant comme un Neimoidien durant un interrogatoire et la surface de la lune se rapprochant à toute allure, Leia devait concentrer tous ses efforts pour garder le contrôle du vaisseau.
Enfin, un fin croissant de noir piqueté d’étoiles apparut en haut de la verrière du Faucon. Leia continua à tenir le manche en arrière, de plus en plus soulagée au fur et à mesure qu’il grossissait.
— Je n’aurais pas fait mieux moi-même ! s’écria Han, encore plus soulagé qu’elle. OK, tu peux redresser.
Un grondement leur parvint du plus profond du vaisseau quand les lasers des Miy’tils finirent par traverser les boucliers et s’attaquer au blindage. Puis l’horizon de Megos devint accidenté et envahit de nouveau tout leur champ de vision.
— Une chaîne de montagnes ! cria C-3PO. Ça va certainement compliquer notre fuite.
— La compliquer ? (Han se retourna pour jeter un regard noir au droïde.) Si je pilotais, tu serais en train de hurler : Nous sommes perdus !
— Très probablement, admit C-3PO. Mais la Princesse Leia est une Jedi.
Leia aurait remercié le droïde pour son vote de confiance, mais elle était certaine que celle-ci serait mal placée dans trois secondes. Elle essaya de forcer le cargo à remonter plus vite – et enfin elle vit une brèche dans le mur devant eux. Elle ramena le manche au milieu. Aussitôt, le volet de direction se décoinça et le vaisseau cessa de vibrer.
— Euh, Leia, dit Han. Ce que j’ai dit au sujet de redresser ? Oublie...
— Trop tard ! (Elle tourna le Faucon vers l’ouverture.) Largue les missiles !
— Les missiles ? (Han regarda droit devant, vit ce qu’elle avait repéré et tendit la main vers une commande.) Pourquoi pas ?
Il appuya sur deux boutons, et deux cercles bleus dépassèrent le cargo et devinrent de plus en plus petits. Leia lui fit faire un quart de tour et ils passèrent entre les deux murs de roche, suivis par leurs poursuivants. Ensuite, elle fut trop occupée à piloter pour voir ce qui se passait, mais quand ils émergèrent de la gorge, ils étaient seuls.
Alors qu’ils fusaient hors du canyon, Leia put enfin risquer un coup d’œil à l’écran. Les Miy’tils étaient bel et bien partis – soit ils avaient été touchés par les débris provoqués par l’explosion de leurs missiles, soit ils avaient décroché. Elle resta à un kilomètre au-dessus de la lune pendant quelques secondes pour s’assurer qu’aucun d’eux n’allait jaillir tout à coup de derrière la chaîne de montagnes, puis elle tira sur le manche.
Ils avaient à peine commencé à remonter quand l’espace fut soudain traversé par des traînées d’énergie iridescente. L’alarme de proximité se mit à sonner, et des halos bleus envahirent la verrière – et grossirent très vite.
— Que diable ? haleta Leia.
— Je crois que ta Flotte est arrivée, dit Han. Au mauvais endroit !
Leia baissa les yeux et vit son écran tactique devenir de plus en plus encombré. Des frégates, des croiseurs et des Destroyers Stellaires quittaient l’hyperespace au rythme de deux ou trois par seconde et déversaient leurs chasseurs tout en fonçant à toute vitesse vers Megos. Le nom AMIRAL ACKBAR apparut sous l’un des Destroyers à la queue de la formation, et soudain Leia comprit pourquoi il avait fallu si longtemps à l’Alliance.
— C’est Bwua’tu !
— Logique, grommela Han. Quel Bothan lancerait une attaque directe quand il peut ruser et sortir de derrière une lune ?
— Au moins ils ont envoyé le meilleur.
Leia retourna vers le satellite – continuer d’approcher une flotte qui revenait dans l’espace normal à cette vitesse aurait été pure folie. Même si Bwua’tu réalisait qu’ils ne voulaient pas attaquer, il serait peut-être obligé de les pulvériser avant qu’ils ne percutent l’un de ses vaisseaux.
— Qu’en penses-tu ? On cherche un cratère ?
— En volant aussi vite ? Nous en ferions un, oui ! Pas le temps de décélérer.
— Tu veux dire...
— Oui, un lance-pierres au complet.
— Retourner vers les combats ? Sans boucliers arrière ?
— Détends-toi, répondit Han. À cette allure, on les aura traversés avant qu’un artilleur puisse nous prendre pour cible.
— Et ils tireront sur la poupe, souligna Leia. Où nous n’avons plus de bouclier !
— C’est vrai. Tu as une meilleure idée ?
Leia dut admettre que non. Ils étaient dans de mauvais draps – et c’était loin d’être la première fois, bien sûr – sauf qu’elle était dans le fauteuil du pilote, pas Han... et il ne l’avait jamais laissée tomber.
Leia regarda dehors et vit qu’il revenait déjà vers la face éclairée de Megos.
— Où en est la température des nacelles ?
— Pas si mauvaise. Seulement trente-sept pour cent au-dessus.
— Et tu es sûr que nous pouvons aller jusqu’à quarante ?
— Oui, mais j’ignore combien de temps nous pouvons y rester.
Leia songea à réduire les gaz, mais ils étaient déjà entre Megos et Hapes et un coup d’œil à la bataille suffit à la convaincre qu’ils auraient besoin de toute la vélocité qu’ils pourraient avoir. L’espace n’était qu’un champ de rayons de turbolasers, constellé ici et là par des explosions et les vaisseaux qui dégorgeaient des flammes, de la fumée et des vies.
Alors que le Faucon laissait la lune derrière lui, un écran de Dragons de Combat commença à apparaître au cœur de la conflagration. Ils étaient rassemblés en face de deux vaisseaux ovoïdes et reculaient lentement en déversant un tel mur de feu que les cuirassés corelliens avaient dû abandonner leur tactique de pénétration.
— On dirait que Tenel Ka nous a fait confiance.
— Oui – j’espère qu’elle n’en est pas morte, répondit Han. Bwua’tu a pris son temps. Il y a des tas de carcasses de vaisseaux qui flottent par ici.
Leia était trop occupée à piloter pour regarder l’écran, mais elle était certaine que le Bothan serait en désaccord avec Han. D’un point de vue stratégique, sauver Tenel Ka arrivait en second, derrière la destruction de la Flotte corellienne, car ce serait un tel coup pour Corellia que cela pouvait mettre un terme à ses prétentions. Mais elle ne partagea pas ses pensées avec son mari, car il serait furieux et il se sentirait trahi – et pour tout dire, elle l’était pour deux.
Comprenant qu’elle ne pourrait pas passer en restant hors de portée des turbolasers, Leia contourna la flotte des usurpateurs par l’arrière et regarda, mi-fascinée et mi-horrifiée, la bataille devenir plus brillante encore. L’enfer se déchaînait, occupant toute une moitié de la verrière, traversé d’éclairs, de rayons, si large et dense qu’il était impossible de voir la planète derrière.
La clarté aveuglante commença à glisser derrière eux, et nul n’avait tiré sur le Faucon. Leia se disait qu’ils allaient peut-être avoir de la chance, après tout, quand un sentiment de danger se fit pressant.
— Scellez les écoutilles ! ordonna-t-elle.
Leia fit faire un quart de tour au cargo ; le volet se coinça de nouveau et il se remit à vibrer de plus belle. Un rayon bleu d’un mètre de diamètre passa sous le ventre du Faucon, puis un autre, non loin de la verrière.
Elle poussa le manche et le sentit s’arrêter à mi-chemin. Le Faucon se cabra – puis s’arrêta violemment quand un tir le toucha à la poupe avec un craquement assourdissant.
Leia prit ce qu’elle croyait être sa dernière respiration et se tourna vers Han pour lui dire adieu – puis elle sentit le manche obéir et vit les étoiles tournoyer devant eux. Plusieurs rayons de turbolaser passèrent, sans les toucher, de plus en plus distants, de plus en plus fins, jusqu’à ce qu’ils cessent tour simplement de les inquiéter. Puis l’alarme se déclencha, signe qu’ils avaient encore de l’air.
Leia redressa. Le manche était lent, mais le Faucon avait cessé de vibrer et elle en reprit très vite le contrôle.
S’avisant qu’elle regardait toujours Han, elle demanda :
— Que s’est-il passé ?
— Un tir a frôlé l’arrière à tribord. (Sa voix était posée, mais déterminée, et son regard résolument rivé sur le tableau de bord.) Je ne crois pas que nous ayons encore les volets trois et quatre... et tu devrais ralentir. Nous avons perdu une autre conduite de liquide de refroidissement.
Leia fit ce qu’il avait conseillé et réalisa que les attaques avaient cessé.
— Han, ce n’est pas ce que je veux dire. Nous sommes toujours en vie.
Il la regarda enfin, avec un petit sourire narquois à cause de l’étonnement dans sa voix.
— Bien sûr. Tu es une Jedi – tu te rappelles ?
— Très drôle, fit-elle.
Elle vérifia l’écran et vit pourquoi plus personne ne tirait sur eux – la Flotte de Bwua’tu avait contourné Megos et ouvert le feu, faisant tant de dégâts dans celle des usurpateurs que l’issue de la bataille ne faisait plus aucun doute.
— Mais tu as raison. Nous allons peut-être nous en sortir, après tout.
À peine eut-elle dit cela que l’alarme de proximité se remit à brailler. Des rubans de couleur dansèrent, puis des halos bleus se formèrent et se transformèrent en une flotte.
— Une autre ? haleta Han. C’est quoi, une guerre ?
Le Rover avait réussi à battre la Ducha de vitesse en rognant sur les marges de sécurité et en forçant entre les sauts. Mais Ben enclenchait le système de communication quand la Flotte Galney sortit de l’hyperespace derrière eux et commença à accélérer vers la bataille. À cette distance, celle-ci n’était qu’une tache clignotante, avec en fond la planète aux couleurs de pierres précieuses, mais Ben la sentait qui le déchirait à l’intérieur, et toutes ces vies qui s’éteignaient. Voilà pourquoi il avait essayé de se cacher de la Force quand il était plus jeune – cette sensation d’angoisse constante était tout ce dont il se souvenait de la guerre contre les Yuuzhan Vong.
Aujourd’hui, Ben était plus âgé. Ce n’était pas la Force qui lui causait cette peine, c’étaient les gens. Il savait aussi qu’ils pouvaient être égoïstes, terrifiés, nobles et braves, et quand tout cela se mêlait, il y avait généralement une guerre. Pour cette raison, la galaxie avait besoin de quelqu’un comme Jacen – pour tout arranger, afin que nul n’ait plus à souffrir autant.
Le système de communication termina enfin son diagnostic postsaut, et Ben entra le canal du commandement de Tenel Ka.
— Jedi Skywalker ! cracha Ioli, tournant son faciès dépourvu de nez vers lui. Que faites-vous ?
Sa main s’arrêta au-dessus des boutons.
— Si Tenel Ka laisse la Ducha arriver derrière elle...
— Le lieutenant sait ce qui arrivera, petit, dit Tanogo. Elle demande ce que vous étiez en train de faire.
Ben regarda le Bith par-dessus son épaule.
— J’ouvrais un canal de com ?
— Avec l’ennemi si proche que nous pouvons lire les noms de ses vaisseaux sur leurs coques ? (Tanogo remua les plis de ses joues.) Nous ne vivrions pas plus de dix secondes après ça.
— Mais nous devons alerter Tenel Ka ! (Ben se tourna de nouveau vers Ioli.) Et nous ne pourrons pas l’atteindre avant la Ducha.
— Ne pouvez-vous pas le faire grâce à la Force ?
Il secoua la tête.
— Ce ne serait pas assez spécifique. Elle saurait qu’il y a un danger, et peut-être même qu’il s’agit d’une trahison. Mais ça resterait une sensation, et au milieu d’une bataille...
— Elle ressent probablement déjà tout ça. (Ioli soupira.) Très bien – mais nous ferons ça avec un enregistrement. Et gardez à l’esprit que nous l’enverrons sur un canal de salutations.
Ben fronça les sourcils.
— Je ne comprends pas.
— Nous devons nous assurer qu’elle reçoive notre message, répondit Tanogo. Et puisque les traîtres ont toujours quelqu’un dans son entourage pour les intercepter...
— ... nous voulons que tout le monde puisse l’entendre, termina Ben, hochant la tête. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi devrais-je l’enregistrer ? Je peux tout aussi bien...
— Jedi Skywalker, dois-je vraiment expliquer chacun de mes ordres ? demanda Ioli. Tenel Ka n’a plus beaucoup de temps, alors soyez bref.
— D’accord... désolé. (Il ouvrit un fichier, puis parla dans le microphone :) Ici le Jedi Ben Skywalker avec un message urgent pour la Marine Royale Hapienne. La Ducha Galney est une traîtresse venue pour attaquer la Reine Mère par-derrière. Je répète, avertissement urgent : la Ducha Galney est une traîtresse. Prenez les précautions nécessaires.
Ben termina, puis regarda Ioli, quêtant son approbation, mais elle se contenta de remettre le micro à sa place. Puis, du pouce, elle lui indiqua l’arrière.
— Les autres se tiennent prêts à quitter le skiff. Rejoignez-les.
— Oui, madame. (Ne voulant plus discuter les ordres de Ioli, Ben déboucla son harnais et se leva – puis il réalisa ce qu’elle comptait faire et se figea.) Attendez... nous sommes six et il n’y a que quatre scaphandres.
— Croyez-vous que je ne le sache pas ?
— Oui – je veux dire, non. Je sais que vous le savez, mais il doit y avoir une autre solution.
Elle le regarda avec une expression plus impatiente que pleine d’espoir.
— Vous en avez une ?
Incapable de penser alors qu’il la regardait dans les yeux, Ben baissa les siens. Tanogo et elle semblaient si calmes et concentrés, mais il pouvait sentir leur peur au creux de son estomac, boule d’énergie de la Force qui tremblait et qui lui donnait envie de vomir.
Quand il ne répondit pas assez vite, Ioli dit :
— C’est bien ce que je pensais. (Elle vérifia le chrono.) Le premier maître dit que je dois envoyer votre message dans deux minutes et douze secondes pour laisser une chance à la Reine Mère.
— Pourquoi ne pas larguer une balise ?
— Bonne idée, répondit Tanogo. Sauf que ce genre d’appareil n’en transporte pas.
— Allez, Ben. C’est un ordre.
— Je ne peux pas vous laisser aller à une mort certaine ! fit-il sans bouger. Je suis un Jedi.
— Et vous serez bientôt un Jedi mort, parce que je vais émettre dans exactement... (Ioli regarda le chrono pour la seconde fois.) Une minute et cinquante-deux secondes.
Tanogo attrapa Ben par le bras.
— Nous sommes des éclaireurs, petit. C’est dans notre contrat. (Il le tira hors du cockpit et le poussa vers la poupe.) Allez. Nous reviendrons vous chercher si nous ne nous faisons pas atomiser.
Ben partit en trébuchant, se sentant à la fois confus et coupable, car d’après lui c’était à lui et à Jaina de rester. Mais après des jours passés à côté de Ioli dans le cockpit, il savait qu’elle verrait une telle proposition comme une insulte faite à elle-même et à son équipage. Et même avec la Force, Jaina et lui ne sauraient jamais manier le skiff aussi bien que Ioli et Tanogo. De plus, le Rover était leur vaisseau, alors il était de leur devoir d’envoyer le message – et dans la nouvelle armée de l’amirale Niathal, un officier n’abandonnait pas son poste.
Ben atteignit le fond de la cabine, où Gim Sorzo, l’artilleur twi’lek du Rover, fermait son casque. Jaina et Zekk, qui avaient hiberné dans des scaphandres pour ne pas taxer les réserves du Rover, étaient déjà prêts et attendaient près du sas d’évacuation.
Ben enfila le dernier, et Jaina enclencha la balise de secours sur son épaule. Alors que le scaphandre s’autoscellait, Zekk lui mit son casque. Moins d’une minute plus tard, les écouteurs intégrés lui confirmèrent que les systèmes étaient tous parés, et les trois Jedi et le Twi’lek s’entassèrent dans le sas.
Ben fermait l’écoutille intérieure quand sa propre voix se fit entendre. Ici le Jedi Ben Skywalker...
— En place, coupa la voix de Jaina. Ouverture dans trois... deux...
Alors qu’elle comptait à rebours, ils s’attachèrent les uns aux autres et se préparèrent à une sortie en urgence. Jaina était en tête, puis venait Sorzo, qui avait passé les bras autour de sa taille. Ben était derrière le Twi’lek et se tenait à une barre d’une main. Zekk, qui venait ensuite, avait les deux mains dessus.
— Un.
Jaina actionna l’ouverture, et l’écoutille extérieure partit dans un nuage de fumée et d’atmosphère. Jaina et Sorzo furent entraînés à sa suite, quant à Ben, le fait qu’il se retint d’une main leur donna la demi-seconde qu’il leur fallait pour dégager le passage. Il fut happé à son tour, et sa visière se couvrit instantanément de buée. Au même moment, il sentit la corde entre lui et Zekk se tendre, annonçant que celui-ci quittait le Rover.
L’estomac de Ben se souleva quand ils quittèrent la gravité artificielle du skiff, puis toute sensation cessa. Il écouta sa propre voix finir le message pour Tenel Ka. Puis il y eut un clic ! et la com du scaphandre repassa automatiquement sur le canal interne.
— Attention à vos yeux, dit la voix de Ioli. Rover au départ.
— Merci, répondit Jaina. Que la Force soit avec vous.
— Et avec vous tous. Rover, terminé.
Les moteurs à ions se mirent en marche, produisant une lumière si intense que Ben la vit en dépit de sa visière obscurcie et de ses paupières closes.
Elle diminua quelques secondes plus tard, et quand Ben rouvrit les yeux, il voyait clairement. L’espace piquetée d’étoiles filait à une allure vertigineuse. De temps en temps, il voyait une explosion ou l’un de ses compagnons.
Ben activa les répulseurs de son scaphandre afin de contrôler ses mouvements, puis il se tourna vers Hapes. La Flotte de la Ducha avait déjà ouvert le feu sur Ioli et Tanogo, faisant disparaître la planète derrière un mur d’énergie. Il réussit à peine à distinguer le Rover, désormais grand comme un doigt. Celui-ci exécuta une vrille serrée, Ioli essayant de se dégager.
Mais un rayon de turbolaser cueillit le skiff et l’engloutit dans une boule de feu.
Ben n’aurait su dire si la peine qu’il éprouvait était dans la Force – ou dans son cœur.